Résumé
Le 20 décembre 2024 marque l’adoption par l’Assemblée fédérale suisse d’une révision profonde du droit privé de la construction. Cette réforme du Code des obligations vise principalement à renforcer la protection des acquéreurs de biens immobiliers neufs et des maîtres d’ouvrage. L’idée directrice est de pallier les insuffisances constatées dans le régime de garantie en présence de défauts de construction.
Parmi les innovations majeures, la loi prévoit une prolongation du délai pendant lequel les défauts doivent être signalés. De surcroît, elle instaure un droit impératif pour que le vendeur prenne en charge, sans frais pour l’acheteur, la réparation des défauts constatées. Cette mesure a pour but de supprimer certaines clauses contractuelles douteuses qui, en échange d’une cession de garanties vis-à-vis des sous-traitants, exonéraient indûment le vendeur de sa responsabilité.
La réforme apporte également des précisions importantes sur les sûretés exigées du propriétaire pour éviter l’inscription sur son immeuble d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs.
Ces nouvelles règles devraient, sauf surprise, entrer en vigueur le 1er janvier 2026.
Développements
L’état (encore) actuel
Selon le droit actuellement applicable, l’acquéreur (contrat de vente immobilière) doit vérifier l’immeuble acquis et aviser sans tarder le vendeur des défauts constatés.
Dans le cadre des contrats d’entreprise (contrat de construction), c’est également au maître d’ouvrage d’avertir l’entrepreneur concerné sans délai.
Pour les défauts apparents, le signalement doit intervenir aussitôt la vérification terminée, tandis que pour les défauts cachés (soit ceux qui ne se révèlent qu’à l’usage), il est requis d’agir sans délai dès leur découverte, soit immédiatement. La jurisprudence retient à ce propos un laps de temps très restreint – de l’ordre de quelques jours – entre la découverte d’un défaut et l’avis adressé au cocontractant. À défaut d’un avis des défauts détaillé, le bien est réputé conforme, entraînant ainsi la déchéance des droits de garantie et la prise en charge des frais de réparation par l’acheteur ou le maître d’ouvrage.
Les limites du système
Il est unanimement reconnu que le délai d’avis des défauts est trop bref. La difficulté pour un non-professionnel de discerner la portée juridique d’un défaut, en particulier lorsqu’il se manifeste progressivement, justifiait une révision du système en place.
La règle adoptée par la modification
Pour répondre à ces enjeux, le Parlement a décidé d’allonger le délai d’avis des défauts à 60 jours. Ce délai impératif commence à courir dès que le défaut est découvert. Bien que la possibilité de prévoir un délai supérieur demeure, aucun arrangement ne pourra fixer une échéance inférieure à 60 jours.
Renforcement du droit à la réparation
En l’état du droit, l’acquéreur d’un bien immobilier dispose essentiellement d’un droit à une réduction du prix, voire, dans les cas les plus graves, d’une résolution du contrat, sans pouvoir exiger la réparation du bien.
Le maître d’ouvrage (contrat d’entreprise), quant à lui, bénéficie d’un droit complémentaire à la réparation en plus des recours à la réduction ou à la résolution.
En outre, dans bien des contrats, notamment pour la vente d’appartements ou de villas sur plan, les vendeurs et entrepreneurs incluaient des clauses par lesquelles ils transféraient à l’acheteur le droit de réclamer la réparation des défauts auprès des sous-traitants. Or, cette cession s’est révélée impraticable pour diverses raisons : elle obligeait l’acheteur à se tourner vers plusieurs intervenants, rendait difficile l’identification des responsables et exposait ce dernier au risque d’insolvabilité des entreprises concernées. En outre, la cession des droits à la la réduction du prix ou à la résolution du contrat est en soi inopérante car le Tribunal fédéral considère que seul le droit à la réparation des défauts peut être cédé, les droits à la résolution du contrat et à la réduction du prix étant de par leur nature (droit formateurs) incessibles.
La réforme introduit désormais, de manière impérative, le droit pour l’acquéreur et le maître de l’ouvrage d’exiger que le vendeur / l’entrepreneur prenne en charge la réparation des malfaçons survenant dans les constructions neuves ou quasi neuves.
Ce droit s’appliquera tant dans le cadre d’un contrat de vente que dans celui d’un contrat d’entreprise et interdit toute clause contractuelle tendant à le restreindre ou à l’exclure. L’entrepreneur ne pourra donc plus s’exonérer de sa responsabilité et céder des droits dont il n’est pas titulaire vis-à-vis de ses sous-traitants.
Enfin, le droit suisse permet aux artisans et entrepreneurs ayant œuvré sur le chantier de requérir l’inscription d’une hypothèque légale en garantie de leurs créances. Le propriétaire de l’immeuble peut offrir des sûretés suffisantes (une garantie bancaire) pour éviter l’inscription d’une telle hypothèque. La réforme apporte des précisions sur cette question et prévoit que ces sûretés (p.ex. une garantie bancaire) devront couvrir le montant dû (créance alléguée de l’entrepreneur) et les intérêts moratoires pour une durée de dix ans. La question de la durée sur laquelle portent les intérêts moratoires rendait difficile la constitution d’une telle sûreté et cette nouvelle règle précise donc celle-ci.