Projet de loi portant modification de la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles
Faisant suite aux annonces du Gouvernement, un projet de loi n° 8449 a été soumis le 16 octobre 2024 à la Chambre des Députés. Analyse critique.
Le projet de loi a pour ambition déclarée de proposer « différentes mesures de simplification administratives », dont notamment :
Pour les zones urbanisées ou destinées à être urbanisées :
« – l’abandon de l’obligation de compenser certains types de biotopes à l’intérieur de la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée ;
– l’élargissement des possibilités de déroger à la protection des espèces animales et végétales qui sont soumises à une protection au niveau national, et ceci en vue de la réalisation de projets de construction étant précisé que des mesures d’atténuation ne sont plus requises pour ces espèces ;
– l’abandon de l’obligation de solliciter une autorisation pour certaines actions, comme par exemple, pour le changement d’affectation de parcs d’agrément ;
– la possibilité d’effectuer des mesures d’atténuation (dites mesures « CEF ») dans le pool compensatoire le plus proche du lieu d’intervention ;
– l’abandon du principe de la compensation écologique pour les arbres routiers et les arbres sur des places publiques au profit d’un simple système de remplacement des arbres enlevés par de nouveaux arbres, si les arbres sont enlevés pour des raisons phytosanitaires ou d’utilité publique ;
– pour ce qui est des espèces protégées particulièrement et dont l’état de conservation le permet, instauration d’une nouvelle approche – sous forme d’exigences quantitatives et qualitatives tenant au couvert boisé urbain – de gestion de l’habitat au niveau communal ;
– l’instauration du principe que l’Administration de la nature et des forêts établit les bilans écologiques pour les projets de faible envergure qui ne dépassent pas une surface de dix ares, avec comme conséquence favorable que l’administré ne doit pas supporter les frais d’établissement d’un tel document ;
– l’instauration du principe de la compensation « une fois pour toutes » des habitats de chasse des espèces à large rayon d’action situés dans la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée ;
– la réintroduction du recours en réformation devant les juridictions administratives, de sorte à ce que la juridiction administrative puisse, le cas échéant, directement prendre une nouvelle décision en faveur de l’administré ».
En zone verte :
« – l’abandon du régime d’autorisation, en faveur d’un régime de simple déclaration de travaux, pour des projets de restauration ou de création de biotopes dans le cadre d’un plan d’action proposé par le plan national concernant la protection de la nature ou par un plan de gestion d’une zone protégée,
– l’abandon du régime d’autorisation, en faveur d’un régime de simple déclaration de travaux, pour l’installation respectivement, la restauration de murs en pierres sèches, de cairns et de murgiers ;
– l’abandon du régime d’autorisation, en faveur d’un régime de simple déclaration de travaux, pour la création respectivement la restauration de plans d’eau qui ont la qualité de biotopes protégés ou d’habitats d’intérêt communautaire ;
– la facilitation de restaurer des habitats ou biotopes protégés qui sont dégradés, voire détruits en raison d’une succession naturelle en absence d’une gestion appropriée, ou en raison de la présence d’essences non indigènes.
En zone verte, ces mesures de simplification ont vocation à faciliter et à accélérer les projets de restauration d’habitats et de biotopes afin de pouvoir atteindre les objectifs en relation avec la nouvelle nature restauration law (règlement (UE) 2022/869). »
Étudions ci-après, sous un angle critique, les différentes modifications proposées.
1. Le couvert boisé urbain (CBU)
1.1. Définition du CBU (art 3)
Point 37° :
– projection verticale au sol des parties aériennes des arbres et des arbustes,
– hauteur des formations de ces arbres et arbustes au moins 1,5 m,
– zones de parc et zones de verdure dont au moins 80 % de leur périmètre sont adjacents à une zone urbanisée
Point 38° : le maillage écologique du CBU connectivité écologique entre les différents fonds constituant le couvert boisé urbain. L’indicateur du maillage écologique prend une valeur entre 0 et 1 et est exprimé dans la proportion de fonds isolés du couvert boisé par rapport à la totalité de la surface du couvert boisé. Définition du fonds accueillant le CBU est considérée comme non isolé : (…) »
Suivant le commentaire des articles ad article 1er : « Le pourcentage du CBU est déterminé en fonction de la surface couverte par ces ligneux par rapport à la totalité de la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée. Les zones de verdures ou parcs enclavés dans ou adjacents à la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée sont également pris en compte. A noter que les zones de verdure et les parcs adjacents sont seulement comptabilisés, si au moins 80 % de leur périmètre est adjacent à une zone urbanisée ou destinée à être urbanisée ».
Il nous semble que les critères permettant de définir le couvert boisé ne sont pas précis et ne peuvent être déterminés que par les bureaux d’études. Dans une formation d’arbres et d’arbustes les hauteurs sont très variables surtout si la formation est encore jeune (comme c’est le cas pour une hauteur de 1,5 m ). Il faudra donc nécessairement établir des moyennes. S’il s’agit d’une surface étendue il faut s’attendre à des différences en raison des variations des conditions stationnelles (exposition, fertilité du sol, humidité, pente. ll faudra s’attendre à ce que dans la pratique on procédera par des évaluations à l’œil qui comporteront beaucoup d’arbitraire de la part des bureaux d’études, ou par des simulation sur base de Géoportail (levé 3D sur base de la technologie LIDAR par exemple). Si les hauteurs sont déterminées par voie informatique, l’approximation sera encore plus importante. Un inventaire annuel est nécessaire en raison du développement en hauteur rapide de jeunes arbres.
1.2. Les éléments constitutifs du CBU
Il résulte de la définition que le couvert boisé ne comprendra que la végétation ligneuse, c’est-à-dire ne comprendra pas la végétation herbacée, comme par exemple, les prairies dans les parcs ou sur les terrains privés. Par ailleurs, il ne comprendra que la végétation sur sol organique (et notamment les plantations), et non pas certains éléments végétalisables du bâti (certains chemins et places). Il paraît comprendre les propriétés privées dont la composition peut varier en fonction des interventions des propriétaires.
1.3. But du CBU (art 27bis)
Le ministère de l’Environnement affirme que pour ce qui est des espèces protégées particulièrement (protégées intégralement ou partiellement), inféodées au couvert boisé urbain, qui seraient désignées par règlement grand-ducal et dont l’état de conservation le permet, il y aurait passage d’une approche parcellaire vers une approche communale sous forme d’exigences quantitatives et qualitatives tenant au couvert boisé urbain
La continuité de la fonctionnalité écologique du site ou de l’aire, visée à l’article 27 al 2, pour les espèces protégées particulièrement inféodées au couvert boisé urbain est considérée maintenue en permanence au niveau d’une commune si certaines conditions sont remplies, notamment si le couvert boisé
– est supérieur à 20 % (commentaire des articles ad article 14 : à l’intérieur du périmètre ou adjacent à ce périmètre),
– pas en régression,
– majoritairement composé d’essences indigènes,
– présente un indicateur de maillage écologique > 0,7 (« connectivité écologique doit être garantie : aspect important pour les espèces ciblées »)
Les conditions précitées sont vérifiées sur base des rapports et inventaires visés à l’article 9 du projet de loi, lesquels seraient établis « par le ministre » ayant l’Environnement dans ses attributions. Le texte du projet de loi n’indique pas comment les rapports et inventaires sont établis, quelle est leur mode d’élaboration et de publication, et quelle est leur valeur juridique (nous estimons qu’il devrait s’agir d’actes administratifs réglementaires puisqu’ils ont des effets de droit : permettre une dispense ou non à la réalisation de mesures CEF au sein d’une commune).
Afin d’inciter les communes à développer davantage leur CBU des simplifications sont prévues lorsque le pourcentage du couvert dépasse les 25 %, respectivement 30 %.
Si les conditions sont remplies, des mesures d’atténuation (autrement désignées comme mesures CEF) prévues à l’article 27 al2 ne sont pas nécessaires. Si les conditions relatives au couvert boisé ne sont pas remplies, alors il faudra procéder aux mesures d’atténuation prévues à l’article 27 al 2.
Par ailleurs, au commentaire des articles ad article 14 il est énoncé que « par le biais du nouvel article 17 à introduire dans la loi modifiée du 18 juillet 2018, certains biotopes qui se développent de manière rapide et spontanée, en l’occurrence les peuplements d’arbres feuillus, de moins de quinze ans et les broussailles ayant moins de quinze ans, ne sont plus protégés au niveau de la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée. De même, la substitution d’arbres sur des places ou le long des chemins pour des raisons d’utilité publique ou phytosanitaires est également facilitée. Or, la présence d’espèces protégées au niveau européen dépendantes de ces biotopes est assez probable et peut déclencher le besoin de réaliser notamment des mesures d’atténuation anticipées (dites « mesures CEF »).
Aux fins d’éviter que la présence de tels espèces protégées puisse hypothéquer dans ces cas-là l’application de la nouvelle approche et partant, contraindre à nouveau les propriétaires à éviter l’implantation spontanée de biotopes sur leurs terrains, il est proposé de garantir que la continuité de la fonctionnalité écologique pour les sites de reproduction et aires de repos de ces espèces dépendantes des biotopes du couvert boisé urbain soit assurée, contrôlée et surveillée au niveau des zones urbanisées ou destinées à être urbanisées du territoire communal, de sorte à ce que des mesures individuelles d’atténuation ne s’avèrent pas nécessaires en cas de destruction d’un biotope spécifique comprenant une des espèces précitées ».
1.4. Critiques
L’intention première des auteurs du projet de loi, visant à proposer une « mesure de simplification administrative », évitant la réalisation de mesures d’atténuation/mesures CEF à la suite de la destruction d’un habitat d’un espèce inféodée au couvert boisé, dans l’hypothèse où l’on peut supposer que ladite espèce retrouvera nécessairement un habitat similaire au cas où la commune concernée dispose d’une certaine réserve de « couvert boisé », l’on peut néanmoins s’interroger si, au vu de la complexité du système préconisé d’une part, et des hypothèses a priori restreintes dans lesquelles le mécanisme dérogatoire pourra se déployer, les modifications législatives proposées n’impliqueront pas au contraire, une complexification administrative.
Il nous semble que les efforts de simplification en matière de protection de l’Environnement pourrait plus favorablement être assurée par une interprétation plus raisonnable, proportionnée et rationnelle des dispositions légales actuellement applicables (articles 17, 21, 27 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 notamment), en matière de mesure d’atténuation, plutôt qu’en rajouter des couches supplémentaires de bureaucratie (le mécanisme de dérogation impliquant une charge supplémentaire pour le ministère, à savoir l’établissement annuel d’un inventaire du couvert boisé pour chaque commune du pays, ainsi qu’un rapport établi tous les six ans, potentiellement des contestations vis-à-vis de la rigueur scientifique de ces rapports et inventaires, un nouveau règlement grand-ducal, etc.).
En outre, il faudrait questionner la conformité du mécanisme proposé vis-à-vis du droit européen. Il nous semble en effet a priori hasardeux de conclure nécessairement que la destruction d’un habitat essentiel d’une espèce protégée, inféodée au couvert boisé, serait nécessairement atténuée suffisamment par la présence d’un couvert boisé par ailleurs, qui correspondrait à un certain pourcentage du territoire communal. Il se peut en effet que l’habitat de compensation soit situé à trop grande distance de l’habitat dont la destruction serait alors autorisée.
2. « Natur auf Zeit » art 17 (7) de la loi projetée
Le projet de loi retient que « Ne sont pas visés par les dispositions du paragraphe 1er [le principe de l’interdiction de la destruction des biotopes] en dehors de la zone verte :
– les peuplements d’arbres feuillus visés au point 13 de l’annexe 8 dont les arbres ne dépassent pas l’âge de 15 ans et
– les broussailles visées au point 17 de l’annexe 8 qui ne dépassent pas l’âge de 15 ans ».
D’après le commentaire des articles ad article 8 « le point n° 2 [du paragraphe 7 de l’article 17] supprime, en zone urbanisée ou destinée à être urbanisée, des boisements pionniers – sous-type des « peuplements d’arbres feuillus » – de la protection sous forme de biotopes protégés . Il s’agit de boisements dont les arbres n’ont pas plus de 15 ans et des broussailles – sous-type des « haies vives et broussailles » – qui ne dépassent pas 15 ans. Il n’y donc plus d’obligation de solliciter une autorisation ministérielle pour la réduction ou destruction de ces biotopes en zone urbanisée ou destinée à être urbanisée, si effectuées en respect du paragraphe 8 [période 2 octobre au dernier jour de février].
Mais la restriction de la dérogation à un âge de < 15 ans enlève à la disposition son intérêt pratique, car la plupart de ces formes de végétation ont plus de 15 ans.
Le Mouvement Ecologique, dans son avis sur le projet de loi, rend attentif à des difficultés d’application : « qui décidera s’il s’agit d’un bosquet champêtre ou d’une haie de 14 ans ou d’un arbre qui continuera à être protégé ou un arbre pionnier qui peut être enlevé, des bureaux d’études, l’intéressé lui-même, une administration ou un bureau d’études ? Faut-il une autorisation qui reconnaisse que la surface n’a été créée que dans les 15 dernières années ? Si le maître de l’ouvrage applique son évaluation et que celle-ci est erronée ? Comment les violations (même apparentes, mais pas seulement) de la disposition sont-elles sanctionnées et avec quelles conséquences ? Le chaos juridique est préprogrammé et la simplification des procédures n’est pas une priorité ».
Il faut se demander pourquoi ici il est fait référence à un âge de 15 ans et non pas à la hauteur de 1,5 m, qui est le critère pour le couvert boisé.
3. Instauration du principe de la compensation « une fois pour toutes » des habitats de chasse des espèces à large rayon d’action situés en zone urbanisée ou destinée à être urbanisée; (art 17 + art 67 de la loi projetée)
Le texte du projet de loi est énoncé comme suit :
« Art. 67. Réalisation des mesures compensatoires pour habitats d’espèces à large rayon d’action
(1) Par dérogation aux articles 63 à 66, le ministre réalise les mesures compensatoires sur des terrains domaniaux indépendamment et préalablement à une autorisation pour la réduction, dégradation ou destruction d’habitats sis en-dehors de la zone verte, des espèces d’intérêt communautaire à large rayon d’action ayant un état de conservation non favorable pour autant que :
(…)
Les dispositions du présent paragraphe ne s’appliquent pas aux sites de reproduction et aires de repos. »
Il convient de noter que le texte de loi ne parle pas des habitats de chasse, mais uniquement des habitats des espèces communautaire à large rayon d’action. Est-ce la même chose que les habitats de chasse ? Faut-il déduire de la lecture combinée du 1er alinéa et du dernier alinéa (qui dit que le paragraphe ne s’applique pas aux sites de reproduction et des aires de repos) que le paragraphe ne vise que les habitats de chasse ? Si tel est le cas il faut se demander pourquoi on ne le dit pas au premier alinéa au lieu de parler des habitats de manière générale.
D’après la note du Conseil de Gouvernement la mesure ne vise que les habitats de chasse : « instauration du principe de la compensation « une fois pour toutes » des habitats de chasse des espèces à large rayon d’action situés en zone urbanisée ou destinée à être urbanisée ».
Il en est de même du commentaire des articles (ad art 25) qui ne mentionne que les habitats de chasse : « force est de constater qu’une grande partie des éco-points suite à une destruction d’habitats d’espèces d’intérêt communautaire est dû à la présence d’espèces à large rayon d’action, telles que notamment le Milan royal, ou encore la Sérotine commune et d’autres espèces de chauves-souris … Il est ainsi proposé de supprimer le besoin de réaliser des études de terrain et des mesures compensatoires par rapport à l’habitat de chasse des espèces à large rayon d’action ….».
Les habitats de chasse de ces espèces seraient donc compensés par l’Etat sur des terrains domaniaux.
Mais le maître de l’ouvrage doit toujours procéder à des mesures d’atténuation pour les sites de reproduction et pour les aires de repos et à cet effet faire réaliser les études de terrain. Le prétendu avantage concernant la compensation de l’habitat de chasse (pas d’études de terrain, diminution des charges dues aux taxes de remboursement, prétendue accélération des procédures d’autorisation) doit donc être relativisé.
Une critique générale à l’égard des mesures d’atténuation consiste dans le fait que le terrain où est réalisé un projet de construction n’est pas nécessairement abandonné par les espèces y présentes, dans la mesure où il peut être plus riche en biotopes après la réalisation du projet que le terrain dans son état initial (tel est notamment le cas en principe lorsqu’un champ exploité intensivement à des fins agricoles cède la place à un lotissement avec des jardins qui assurent une biodiversité plus importante). Une compensation ne devrait plus être exigée, étant donné qu’elle se pourrait se faire sur le terrain du projet de construction. Le projet de loi n’apporte aucune solution à cette question. L’affirmation que les habitats des espèces disparaîtront du terrain de construction est une supposition.
Dans aucun projet individuel l’exactitude de la supposition n’est démontrée. Il y a peut-être disparition momentanée des biotopes pendant la phase du chantier (ce qui pourrait éventuellement nécessiter des mesures d’atténuation, mais pas des mesures de compensation), mais il y a généralement reconstitution de nouveaux biotopes par la suite. Le problème suivant lequel le système de compensation ne tient pas compte des valeurs qui sont créées par le projet immobilier, n’est même pas abordé dans le projet de loi.
4. Modification de la délimitation de la zone verte (art 17 (2) de la loi projetée)
Une dérogation au principe de l’interdiction de destruction des biotopes pourrait être accordée en vue d’une modification de la délimitation de la zone verte, c’est-à-dire l’incorporation dans la zone urbanisée ou dans la zone destinée à être urbanisée d’un terrain couvert :
– de peuplement forestiers de < 15 ans,
– de broussailles de < 15 ans.
D’après le commentaire des articles ad article 8 « lorsqu’une modification de la délimitation de la zone verte, c’est-à-dire lorsqu’un projet d’aménagement général ou un projet de modification ponctuelle d’un plan d’aménagement général projette d’inclure des surfaces recouvrant de tels types de biotopes à l’intérieur de la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée, ces biotopes « perdent » leur statut de protection en application du paragraphe (6) [de l’article 17]ce qui correspond de facto à une destruction de biotope. L’obligation de demander l’autorisation du ministre pour une telle dérogation et l’obligation de compenser cette destruction à travers le mécanisme de la compensation écologique restent inchangées ».
Cette disposition est critiquable dans la mesure où la végétation incorporée dans la zone urbanisée n’est pas nécessairement vouée à sa destruction. Elle peut devenir partie du couvert boisée ou être conservée à titre de zones de verdure dans un lotissement.
5. Nouvelles dérogations (art 28 de la loi projetée)
Le texte du projet de loi est énoncé comme suit :
« (1) En dehors de la zone verte pour les espèces protégées particulièrement autres que celles d’intérêt communautaire, le ministre peut accorder des autorisations portant dérogation aux dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 pour un des motifs suivants :
(…)
4° pour un projet de construction … »
Dans la note du Conseil de Gouvernement du 2 octobre 2024 la mesure est énoncée comme suit : « l’élargissement des possibilités de déroger à la protection des espèces animales et végétales qui sont soumises à une protection au niveau national, et ceci en vue de la réalisation de projets de construction étant précisé que des mesures d’atténuation ne sont plus requises pour ces espèces ».
Il convient de noter d’abord qu’en présence d’espèces d’intérêt communautaire les mesures d’atténuation sont toujours requises. La plupart des mesures d’atténuation concernent des espèces d’intérêt communautaire, de sorte que cette disposition n’a qu’un intérêt relatif.
6. Déclaration des travaux (art 58bis de la loi projetée)
Les exigences concernant les informations à fournir sont excessives, alors que le but de la déclaration des travaux est de faciliter la procédure.
En outre, les aménagements ou travaux dispensés d’autorisation et soumis à autorisation sont pour le moins marginaux (le projet de loi vise « l’enlèvement ou l’obstruction de drainages » s’ils sont réalisés dans le cadre d’un plan d’action d’habitat ou d’espèce tel que proposé par le plan national concernant la protection de la nature, ainsi que l’installation ou la restauration de murs en pierres sèches, cairns et murgiers, si elle est réalisée dans le cadre d’un plan d’action d’habitat ou d’espèce tel que proposé par le plan national concernant la protection de la nature, ou encore des « mesures de création ou restauration de biotopes protégés ou d’habitats à valeur écologique supérieure dans le cadre d’un plan d’action d’habitat ou d’espèce tel que proposé par le plan national).
L’intérêt pratique de soumettre ces aménagements à déclaration au lieu de les dispenser tout simplement de démarches administratives supplémentaires, est inexistant.
7. Les infrastructures vertes (art 36 du projet de loi )
Les auteurs du projet de loi retiennent qu’il faudrait à l’avenir prévoir dans tout PAP NQ, qui couvre une surface supérieure à 20 ares, des infrastructures vertes sur au moins 10 % de la surface totale brute des terrains soumis à PAP. Au moins les ¾ de ces infrastructures vertes, à définir par le PAP, devraient être réalisées sur les terrains cédés au domaine public communal.
Une possibilité de dérogation serait prévue pour les terrains classés dans les zones d’activités économiques et les zones spéciales fixées par les PAG.
Par ailleurs les projets d’urbanisation de tous les terrains non bâtis d’au moins 1 ha situés en zone de bâtiments et d’équipements publics et couverts par un PAP QE devraient obligatoirement prévoir au moins 10 % d’infrastructures vertes par rapport à la surface totale brute.
Enfin, le projet de loi retient qu’un règlement grand-ducal déterminerait « Les infrastructures vertes, leur qualité écologique, leur qualité d’aménagement, leurs exigences techniques et leur représentation dans la partie réglementaire du plan d’aménagement particulier », en fonction de leur valeur écologique pour la biodiversité et en fonction de leur valeur dans l’adaptation aux effets du changement climatique.
Il faudra donc attendre le projet de règlement grand-ducal pour savoir si les infrastructures vertes ne comprennent que les plantations sur sol organique ou bien également les éléments végétalisables du bâti non traité avec herbicides tels que les surfaces de circulation en concassé ou en pavés à joints ouverts (chemin, trottoirs, zones piétonnes, parking, murs, bassin de rétention ouverts, etc.).
Au lieu d’introduire encore une réglementation supplémentaire, il aurait été avantageux de prévoir une autre mise en œuvre du système de la compensation, et notamment rendre plus attrayante la compensation in situ via le système des éco-points, qui pourrait inciter les promoteurs de concevoir les alentours des bâtiments dans une approche plus écologique.
8. Conclusions
En définitive, les promesses de simplification administratives ne nous semblent pas rencontrées en l’état actuel du projet de loi. Les nouveaux mécanismes complexes qu’il propose, permettront certes de déroger ponctuellement à des exigences légales existantes, mais au prix d’inventaires, rapports, et recherches supplémentaires à effectuer par les bureaux d’études agréés, afin de vérifier de la possibilité ou non, de se voir accorder les dérogations prévues. Il nous semble que la simplification devrait surtout viser à ne pas accroitre la complexité du système législatif et règlementaire (n’oublions pas d’intégrer à l’équation le nécessaire temps d’adaptation des administrés et de l’administration aux nouveaux dispositifs juridiques lors des modifications successives), mais au contraire à simplifier le texte ainsi que les procédures.
Des clarifications de la législation dans le respect des principes de réalisme et de proportionnalité, nous aurait semblé plus opportun et plus efficace, par exemple :
– clarifier lorsque des mesures d’atténuation sont requises en vertu de l’article 27 de la loi modifiée du 18 juillet 2018, en excluant expressément les « couloirs de vol » ou les « habitats de chasse ».
– Il aurait été également avantageux de mettre fin au système de cumul des mesures d’atténuation – article 27 – et des mesures compensatoires – art 17 – qui revient à faire payer le promoteur deux fois, pour une même situation environnementale : il paye la taxe environnementale sous forme d’éco-point et en même temps il compense en nature la perte de l’habitat détruit.
– Enfin, dispenser d’autorisation des travaux de moindre envergure qui n’ont aucune incidence sur les intérêts environnementaux légalement protégés (cfr. Article 1er de la loi du 18 juillet 2018), comme par exemple la rénovation de la toiture d’une construction en zone verte, la reconstruction à l’identique d’un garage existant indispensable à l’habitation en zone verte, l’ajout d’une fenêtre, la construction d’un abri de jardin en bois non traité, etc., permettrait de désencombrer le service autorisation du ministère de l’Environnement, qui pourrait alors améliorer les délais de traitement des dossiers plus importants ou plus complexes.
Nous allons bien entendu suivre les évolutions prochaines de la loi modifiée du 18 juillet 2018, alors que d’autres projets de loi, se focalisant sur les articles 6 (nouvelles constructions en zone verte) et 7 (constructions existantes en zone verte), sont annoncés.
Me Sébastien COUVREUR – Avocat à la Cour – Partner
Me Jean-Claude KIRPACH – Avocat à la Cour