HAVET & VANHUFFEL-Association d’avocats|

La Cour constitutionnelle a, sur question préjudicielle, déclaré inconstitutionnel l’article 3.62§2 nouveau du Code civil qui prévoit que, lorsqu’un empiétement réalisé de mauvaise foi n’est ni considérable, ni ne cause de préjudice potentiel, le voisin ne peut pas demander la démolition des ouvrages[1].

Suivant la Cour constitutionnelle, cet article viole l’article 16 de la Constitution car il empêche le voisin qui a informé le constructeur auteur de l’empiétement, alors que les travaux sont planifiés ou en cours d’exécution, d’en exiger l’enlèvement.   Il convient donc de s’en référer à la théorie de l’abus de droit pratiquée antérieurement et consacrée par l’article 5.7 nouveau du Code civil que le Conseil d’Etat a, dans son avis sur le projet d’article 3.77 du Code civil, devenu ensuite 3.62, clairement résumée comme suit :  

« Art. 5.7. Prohibition de l’abus de droit.

  • 1.1er. Nul ne peut abuser de son droit;
  • 2. Commet un abus de droit celui qui l’exerce d’une manière qui dépasse manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances;
  • 3. La sanction d’un tel abus consiste en la réduction du droit à son usage normal, sans préjudice de la réparation du dommage que l’abus a causé »[2].

  Cet article vise à consacrer la jurisprudence sur l’abus de droit, qui implique une mise en balance précise des intérêts en présence, rendue possible grâce à l’application de différents critères dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir :  

1° l’intention exclusive de nuire[3] ;  

2° le fait qu’entre différentes façons d’exercer son droit avec la même utilité, il n’est pas permis de choisir celle qui serait dommageable[4] ;  

3° lorsque le préjudice causé est sans proportion avec l’avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit[5].

Ce critère a été dégagé par l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 1971 en ces termes : « le fait qu’il n’y aurait pas de commune mesure entre le préjudice que la démolition occasionnerait (aux personnes à l’origine de l’empiètement) et l’avantage qu’elle procurerait (aux personnes victimes de l’empiètement) »[6], étant admis que, dans l’appréciation des intérêts en présence, le juge « .

 

[1] C.C., n°49/2024 du 25 avril 2024.

[2] Avant-projet de loi, portant création d’un Code civil et y insérant un Livre 5 « Les obligations », sur lequel le Conseil d’État a donné, 23 mai 2018, l’avis n° 63.268/2.

[3] Cass., 12 juillet 1917, Pas. 1918, I, p. 65 ; Cass. 10 septembre 1971, Pas., 1972, I, p. 28) ou l’absence d’intérêt raisonnable ou légitime (Cass., 30 janvier 1992, Pas., 1992, I, p. 475.

[4] Cass., 12 juillet 1917, Pas. 1918, I, p. 65. Voir également Cass., 16 janvier 1986, Pas. 1987, I, p. 602.

[5] Cass., 17 février 2012, Larcier Cass., 2012, p. 122.

[6] Cass. 10 septembre 1971, Pas., 1972, I, p. 28 ; Cass., RG 8429, 19 octobre 1989.