Partie II

Garantie locative

1.   Maximum deux mois de loyer

Le montant maximal de la garantie locative passe de trois à deux mois de loyer.

2.   Nouvelle procédure de restitution de la garantie

L’objectif d’une garantie locative est de permettre au bailleur de faire face à la fin du bail et après la remise des clés notamment à des loyers impayés ou aux dégâts locatifs. Jusqu’alors, aucun délai de restitution n’était prévu par la loi. Le contentieux relatif au refus de la restitution de cette garantie dans le chef du bailleur, naissant parfois 2 ans après la remise des clés , est lié notamment :

–          à l’absence de décompte des charges découlant du retard de celui de la copropriété dans le cas de l’immeuble soumis au régime de la copropriété,

–          à la compensation volontaire des loyers impayés par le locataire avant la remise des clés, enlevant ainsi au bailleur le droit de faire valoir une telle garantie dans l’hypothèse des dégâts locatifs,

–          à la présence des dégâts locatifs constatés dans un état des lieux contradictoire dont les réparations peuvent prendre un certain temps et pour lesquels les locataires ainsi que le juge exigent des pièces justificatives, ou encore au refus du locataire de signer un état des lieux de sortie mentionnant des dégâts locatifs voire à la restitution des lieux sans un état des lieux de sortie par l’envoi des clés par voie postale au bailleur.

Afin de mettre un terme aux abus dans le chef de chaque partie, le législateur a introduit une procédure de restitution de la garantie locative par le bailleur en deux étapes :

–          un délai maximal d’un mois à partir de la remise des clefs est imparti au bailleur, au bout duquel ce dernier doit restituer la moitié de la garantie, sauf dans le cas où il aurait des revendications, notamment concernant les frais relatifs aux dégâts locatifs éventuellement constatés dans l’état des lieux de sortie.

–          l’autre moitié, déduction faite des sommes dues par le locataire (et justifiées par le bailleur, par des pièces à l’appui) doit être restituée dans un délai maximal d’un mois après approbation définitive des comptes annuels de l’immeuble.

Également, pour renforcer la protection du locataire, le législateur a prévu une sanction en cas de non-restitution de la garantie dans les délais présentés ci-avant à la suite d’une mise en demeure du locataire via une lettre recommandée avec accusé de réception. Pour chaque mois de retard entamé dans la restitution de la garantie locative, le montant dû par le bailleur sera augmenté d’un montant égal à 10% du loyer sans les charges, sauf si ce retard est dû à un motif imputable au locataire. Ainsi, la sanction exige deux conditions cumulatives :

–          une lettre recommandée avec accusé de réception qui fait courir la majoration de 10%,

et,

–          l’absence de faute respectivement de motif imputable dans le chef du locataire.

Finalement, la nouvelle législation a introduit une nouvelle disposition en prévoyant qu’en cas de vente d’un bien loué par le bailleur-vendeur, « (…) les garanties sont transférées de plein droit au nouveau propriétaire. Toute convention contraire n’a d’effet qu’entre les parties au transfert de propriété ».

 

3.  Difficultés liées au nouveau régime de la garantie locative

Il y a lieu de relever que dans le cadre d’une location, la garantie locative peut prendre plusieurs formes :

–          soit une garantie locative délivrée par un établissement bancaire dont la majorité de cas qui est une garantie bancaire à première demande,

–          soit un dépôt de garantie, c’est-à-dire une somme d’argent versée sur le compte du bailleur par le locataire ou par un tiers,

–          un cautionnement par un tiers au contrat permettant de garantir les obligations du locataire pendant l’occupation des lieux par le locataire,

–          les assurances privées pour garantir les obligations pécuniaires du locataire,

–          la garantie locative de l’Etat.

En ce qui concerne la majoration de 10%, d’abord, elle ne constitue pas un taux d’intérêt mais une majoration de loyer hors charges. Ensuite, nous estimons qu’elle sera difficilement applicable pour les garanties constituées sous autres formes que le dépôt. Notamment, pour les garanties bancaires qu’elle soit à première demande ou non, ce n’est pas le locataire qui s’engage vis-à-vis du bailleur mais c’est la banque qui s’engage vis-à-vis du bailleur. Il en est de même pour les garanties étatiques et celles fournies par les assurances privées. Le locataire n’a ainsi aucune qualité pour demander la libération de la garantie bancaire ou réclamer le solde de la garantie auprès du bailleur.

En outre, les dispositions légales font état de «  (…)la partie du dépôt de garantie restant due au locataire est majorée d’une somme de 10% (…) ». Cette formulation semble prendre en compte, à l’instar de nos observations ci-dessus, la difficulté d’application de cette majoration dans le cas d’une garantie fournie sous une autre forme que le dépôt de garantie. Au vu de la formulation légale, la jurisprudence devrait avoir à toiser la question de savoir si cette majoration impacte ou non la garantie délivrée sous autre forme que le dépôt de garantie versé sur le compte du bailleur par le locataire.

Par ailleurs, si le volet de la restitution de la garantie locative en deux étapes tel que réglementé ne soulève pas de difficulté majeure, à l’exception de celle de la majoration de 10%, étant donné que ce mécanisme était déjà pratiqué par les bailleurs, celui de son montant maximal fixé à deux mois va accroitre le contentieux dans toutes les hypothèses où la créance du bailleur va être (loyers impayés, frais de remise en état, dégâts locatifs etc…) supérieure à la garantie légale.

En tout état de cause, le bailleur se verra dans l’obligation de saisir le juge pour demander la condamnation du locataire à lui payer le solde restant dû de sa créance après la compensation de la garantie avec sa créance.

Finalement, au vu de l’exigence légale quant au transfert de plein droit des garanties au nouvel acquéreur-bailleur en cas de vente des lieux loués, il est donc loisible de se poser la question de la faisabilité d’un transfert de plein droit, spécialement dans le cas des garanties non constituées sous la forme de dépôt. Dans ces dernières hypothèses, c’est un tiers qui s’engage à exécuter les obligations du locataire vis-à-vis du bailleur sans tenir compte des régimes spécifiques de ces dernières. Même en cas de transfert du titre de propriété, ces garanties émises au nom du bailleur-vendeur ne pouvaient pas être transférées au nouveau bailleur-acquéreur. Elles sont émises au profit d’une personne bien déterminée.

Dans la pratique notamment pour la garantie bancaire à première demande, le bailleur -vendeur, après avoir établi un décompte entre parties, devait accorder la mainlevée de la garantie soit pour la totalité soit pour le solde auprès de la banque émettrice de la garantie. Ensuite, c’était au locataire de fournir soit une nouvelle garantie bancaire soit un dépôt au nouvel acquéreur à sa demande. Il arrivait même que l’acte notarié précise ce volet relatif au transfert de la garantie. Une nouvelle garantie n’était demandée au locataire qu’en cas d’omission de la mise en place d’une telle garantie ou en cas d’insuffisance du solde après une compensation opérée par le bailleur-vendeur avec les loyers ou autres frais impayés avant la vente. Il n’était pas possible de demander au locataire d’établir une nouvelle garantie sans déterminer le sort ou l’utilisation de la première garantie donnée initialement au profit du bailleur-vendeur.

Or, en opérant un transfert de plein droit de ces garanties, sans autres modalités ou de précision, il y a deux questions qui se posent à nous :

–          celle de savoir si le législateur a imposé une cession d’obligations ou une novation par changement de bénéficiaire,

et,

–          si cette nouvelle législation n’enlève pas un droit primordial au bailleur-vendeur consistant à compenser sa créance impayée, née avant la vente.

Une fois de plus, les textes légaux n’étant pas clairs et incomplets, la réponse à ces questions sera à fournir par la jurisprudence.

 

Me Sevinc GUVENCE – Avocat à la Cour – Senior Associate

Me  Laure NACACHE – Avocat à la Cour

 

 

( to be continued)